« Si la nourriture et les soins sont prioritaires, la sortie culturelle et les pratiques que nous lui associons peuvent s’articuler avec ces fondamentaux et constituer un levier d’insertion
»
Selon Julien Damon, la lutte contre l’exclusion, devenue depuis 20 ans une priorité des politiques publiques signe « le passage progressif d’une protection sociale assise sur l’activité professionnelle à une protection sociale reposant sur la citoyenneté, elle n’a pas de définition ni de délimitation précises. Elle englobe un assortiment d’interventions et de droits sociaux, avec pour principales visées l’insertion des personnes défavorisées et l’accès aux droits. »
La loi d’orientation de 1998 qui encadre la lutte contre l’exclusion illustre cette définition par l’officialisation d’une vision élargie où l’accès à la culture est posé comme droit fondamental au même titre que l’accès au logement, à l’emploi, à la santé ou à l’éducation.
Lutter contre l’exclusion sous-entend bien souvent lutter contre la pauvreté matérielle et financière. Mais en défendant la centralité de la culture dans les processus d’insertion, il s’agit d’affirmer qu’elle est loin de se limiter à cela, comme l’affirme Patrice Meyer-Bisch : « Il ne faut donc pas lutter contre la pauvreté, mais d’abord respecter les pauvretés, en considérant leurs histoires, puis en sauver et réconforter les capacités meurtries pour les développer et les compléter. (…) Il s’agit de percevoir la richesse abîmée jusque dans l’extrême pauvreté. ». Les richesses qu’il s’agit d’irriguer ne sont pas ici synonymes d’accumulation de biens mais de développement des capacités s’appuyant sur les ressources culturelles mises en commun.
En cherchant à assouplir les frontières entre les territoires, les milieux et les pratiques culturelles qui font obstacle au partage et à l’enrichissement mutuel, la médiation culturelle participe aux processus essentiels à la lutte contre l’exclusion : faire appliquer à tous le droit fondamental d’accès aux ressources culturelles dans leur diversité, donner les moyens à chacun, quelques soit leur parcours, de revendiquer ce droit comme de le mettre en exercice dans des espaces d’interaction collectives dénués de toutes classification ou hiérarchisation de personnes.
Plus encore, la médiation culturelle tend à déconstruire les notions d’exclusion et d’inclusion, en réfutant l’existence de toute pauvreté culturelle, en dépassant le clivage initié/non initié au profit de la promotion du choix ou positionnement des individus dans des matrices culturelles qui les représentent et leur permettent d’interagir les uns avec les autres, en mettant en partage leurs références. L’espace de médiation permet aux personnes de se définir et se redéfinir autrement que comme exclus ou inclus dans un processus de réhabilitation de leur figure de citoyen. Elle participe à modifier les représentations liées à la pauvreté et à l’exclusion en mettant en lumière les capacités des sujets plutôt que leurs manques et contribue à raviver le lien qui relie les humains entre eux.
Bien que l’accès à la culture, aux sports et aux loisirs en faveur des plus démunis soit inscrit dans la loi de 1998 (art.140), cet accès est souvent mis en second plan dans le travail social, faute de temps consacré, de moyens financiers mais également par le manque de formation spécifique sur la médiation culturelle.
Bien qu’il ne soit plus à prouver que la médiation culturelle dans le champ social participe à la lutte contre l’exclusion et permet de travailler sur une remobilisation globale de la personne, le chemin reste sinueux et, le plaidoyer constant.
Alimenter la médiation culturelle dans le champ social c’est maintenir cet idéal d’un accès aux droits complets de la personne en situation de précarité.