Egalité

La médiation à laquelle nous pouvons croire n’avance pas un quelconque manque d’intelligence ou de capacité des publics à comprendre ou à s’approprier les œuvres. Il n’y a pas de tautologie entre pauvreté économique et pauvreté culturelle. Elle part de cette égalité entre celui qui a et celui qui a moins. C’est aussi dans ce cadre où le principe d’égalité est roi : l’invention de conditions de médiation où l’égal accès de tous aux œuvres est aussi un égal droit d’expression sur les œuvres. Ce n’est pas simplement une égalité d’accès aux lieux culturel qu’il faudrait défendre mais  l’invention de cadre et de conditions à même de libérer l’expression du public en veillant à cette égalité d’expression (Jacques Rancière, Le maître ignorant, Saint-Amand-Montrond, 10/18 Fayard, 1987, p. 33.) «  Qui enseigne sans émanciper abrutit. Et qui émancipe n’a pas à se préoccuper de ce que l’émancipé doit apprendre. Il apprendra ce qu’il voudra, rien peut-être. Il saura qu’il peut apprendre parce que la même intelligence est à l’œuvre dans toutes les productions de l’art humain, qu’un homme peut toujours comprendre la parole d’un autre homme. »

 Si un homme peut toujours comprendre la parole d’un autre homme c’est qu’ils sont fondamentalement égaux. Et comme en république, le principe d’égalité est central en médiation culturelle, ce principe s’accommode tout aussi bien de celui de liberté, liberté d’interprétation, liberté de produire un discours personnel sur toute proposition artistique sans réduire son interprétation au dictat de la compréhension raisonnée ou légitime (Ibid P.17) : Malheureusement, c’est justement ce petit mot, ce mot d’ordre des éclairés- comprendre- qui fait tout le mal. C’est lui qui arrête le mouvement de la raison, détruit sa confiance en elle-même, la met hors de sa voie propre en brisant en deux le monde de l’intelligence, en instaurant la coupure de l’animal tâtonnant au petit monsieur instruit, du sens commun à la science.

Le principe d’égalité en médiation est à chercher du côté de la désinhibition des publics. Confrontés aux œuvres de l’esprit, celui qui accompagne doit encourager la liberté de ne pas se sentir écrasé par l’aura d’une œuvre reconnue de tous et la capacité à se sentir libre de ne pas la laisser parler toute seule (Ibid P.221) : « Il suffirait d’apprendre à être des hommes égaux dans une société inégale. C’est ce que veut dire s’émanciper. Mais cette chose si simple est la plus difficile à comprendre surtout depuis que la nouvelle explication, le progrès, a inextricablement mêlé l’une à l’autre l’égalité et son contraire. »

Focus

La question de l’égalité pourrait ne pas se poser dans la mesure où la culture est un élément constitutif de l’identité de chacun. La culture est un bien commun, elle puise des bénéfices de sa mise en partage. En favorisant l’égal accès de tous aux ressources, aux équipements et aux pratiques culturelles, la médiation culturelle ne remplirait qu’une part de sa mission. La médiation est aussi une prise de conscience d’une égalité possible devant les œuvres. Elle doit aussi créer les conditions égalitaires à cette mise en partage. Ces conditions peuvent évoluer vers une mise à l’épreuve des œuvres ou propositions artistiques à travers les points de vue et les modes d’appropriation de chacun.