Serge Saada
C’est la façon de vivre la précarité qui peut être discriminante avant la visite d’un musée et conduire un individu à accepter, plus ou moins facilement, le franchissement du seuil d’une structure culturelle. C’est cette même condition qui nous permet d’identifier des tendances chez ces publics à même d’améliorer leur accueil dans les musées. Ces conditions difficiles à vivre appellent une écoute particulière, un état de veille des médiateurs culturels qui permet, s’il est conçu dans la bienveillance et la simple hospitalité, d’éviter de réduire ces publics à leur identité ou leurs besoins.
Dans un cadre qui leur est souvent dédié avec l’intitulé « publics spécifiques », dans un contexte de sorties où ces publics passent de l’individualité du rapport social à l’effet de groupe, comment susciter un esprit de liberté dans l’appropriation des oeuvres ? Comment défendre un intérêt partagé pour ce qu’une visite peut apporter à ces publics et pour ce que ces publics peuvent apporter aux musées dans leurs modes de réception et de lecture des oeuvres ? Comment dépasser un cadre où l’afflux du monde, les conventions, le droit de parole, l’aura et le discours déposés sur les oeuvres peuvent constituer un frein à toute appropriation ?
Dans cet article, Serge Saada examine l'accueil des publics du champ social à travers le paradoxe qu'il induit : vouloir que ces publics soient accueillis comme tout le monde mais identifier des constantes à même d'améliorer leur accueil, défendre un intérêt spécifique à travailler avec les publics du champ social tout en préconisant au nom de la mixité qu’ils puissent se fondre dans la foule sans être renvoyés à leur différence ou leur condition.