Le musée Cernuschi présente l’exposition « Chine. Empreintes du passé », une invitation à placer ses pas dans ceux des lettrés et moines archéologues qui parcouraient montagnes et sanctuaires en quête d’inscriptions antiques gravées sur la pierre ou coulées dans le bronze. Ces signes et formes archaïques inspirent des œuvres dont la modernité naît de l’association inédite entre calligraphie, peinture et estampage: une rencontre qui témoigne de la révolution visuelle en cours dans la Chine du XIXe siècle.
Les lettrés de la dynastie Qing sont les héritiers d’une tradition de collectionneurs qui ont élevé l’étude des vases rituels et des stèles au rang de discipline scientifique. Ce champ du savoir, appelé étude des métaux et des pierres (jinshixue) a pour objet les inscriptions antiques. Au XVIIIe et au XIXe siècle, cette quête du signe amène les lettrés à se tourner vers les vestiges les plus modestes, ou les moins accessibles, comme les calligraphies gravées au flanc des montagnes.
L’instrument principal de leurs collectes était l’estampage encré. Cette technique consistait à appliquer sur les stèles des feuilles de papier humides qui épousaient creux et reliefs avant de les recouvrir d’une couche d’encre qui permettait de révéler le détail des graphies. Cette méthode d’abord utilisée pour conserver textes et inscriptions va progressivement être utilisée pour transmettre l’image de bas-reliefs historiés, de sculptures, et même de vases rituels dans leurs trois dimensions. En cet âge pré-photographique, l’estampage était un vecteur capital de reproduction et d’étude des vestiges du passé, dont la diffusion était assurée par le livre illustré.
Porteurs d’une vision esthétique, ces estampages, devenus à leur tour objets de collection, vont inspirer des créations inédites. Les formes simples et les graphies primitives qu’ils révèlent révolutionnent tous les arts lettrés, calligraphie, peinture et gravure de sceaux. Les peintres en particulier, font de l’estampage le support même de leur création.
Progressivement, les arts décoratifs sont également gagnés par les motifs fragmentaires, l’esthétique de l’empreinte et du collage: l’univers des collectionneurs antiques se trouve transposé dans la culture matérielle des grands centres urbains de l’ère moderne.