Onze clés pour une médiation

Il ne s’agit pas ici des onze commandements du médiateur. Mais d’une série de principes qui nous semblent fondamentaux pour initier une action de médiation dans le champ social. Ces valeurs que nous défendons au sein de Cultures du Cœur sont issues d’une concertation régulière avec les travailleurs sociaux, des valeurs qui, une fois partagées, peuvent définir la méthodologie d’un projet.

 

 1)  Instaurer un rendez-vous régulier dans un lieu spécifique pour une permanence Cultures du Cœur. Ce temps privilégié est aussi bien consacré à la visualisation des offres d’invitation qu’au retour ou aux préparations des sorties. Toute déclinaison des supports est bienvenue pour fidéliser et animer les permanences (édition des résumés de spectacles, affichage des nouveautés…).

 2) Toute médiation ne peut se faire qu’en tenant compte de la culture de l’autre au sens le plus large. Tout le monde a une culture musicale, des représentations, des goûts qu’il ne faut pas réprimer ou orchestrer. Les difficultés économiques, l’isolement conduisent souvent à taire ses préférences culturelles, à laisser de côté une parole qui a besoin de se réaffirmer.

 3) Comme l’indique Pierre Bourdieu la culture intervient comme moyen de construction et d’émancipation si le choix est « délibéré » et « volontaire ». Ce constat renvoie au principe d’autonomie de Cultures du Cœur et contribue à valoriser les bénéficiaires.

 4) La gratuité est un barrage en moins dans la fréquentation des lieux culturels. Elle renvoie à la difficulté même d’envisager de « sortir » pour certains usagers. Si nous parlons d’invitation c’est aussi pour ne jamais banaliser les sorties culturelles proposées. Dans ce sens il s’agit pour le médiateur de valoriser la gratuité. L’invitation est aussi un privilège et doit prendre toute sa consistance dans le projet de sortie.

5)  Ne pas hiérarchiser les sorties culturelles. Porter la même attention à un concert de Sylvie Vartan au Palais des congrès qu’à une exposition d’art contemporain au Palais de Tokyo. Pour des publics isolés la valeur de la sortie excède le simple cadre du contenu et de l’objet artistique. Pour certains spectateurs aller au théâtre ou à l’opéra va revêtir une dimension de visite patrimoniale.

6) Plusieurs travailleurs sociaux évoquent la complexité de faire ressortir des publics après un spectacle dit « difficile ». Même si le spectacle déplait le médiateur doit laisser libre cours à toute critique pour ne pas stigmatiser une sortie. Il doit en quelques sortes apprendre à ne pas aimer et à le formuler. Ainsi, un spectacle bon ou mauvais participe à la construction d’une identité de spectateur.

7) Dans un groupe on peut toujours identifier des personnes moins inhibées aux sorties culturelles promptes à devenir des médiateurs délégués. Souvent dans une situation similaire à celle des usagers, elles deviennent alors moteurs et reprennent un rôle actif au sein du groupe, suscitant à leur tour des désirs et des envies de sortie, voire une dynamique de réinsertion.

8) Comment susciter le désir sans pour autant l’orchestrer ? Le travailleur social peut dans l’approche d’une exposition ou d’une pièce de théâtre s’impliquer en faisant part de ses lacunes ou de ses connaissances d’une œuvre. Nous avons souvent évoqué l’intérêt de micro-médiations (anecdotes, première rencontre avec un tableau, résumé succinct d’une pièce classique…) qui sans influencer le choix déploient l’imaginaire des usagers. 

«  Faire récit » est une des clés essentielles de la médiation même si ce récit n’est pas celui d’un spécialiste.

9) Les éducateurs, travailleurs sociaux, animateurs doivent à leur tour diversifier leurs pratiques culturelles pour inciter naturellement leur public à élargir les leur. Définir ses centres d’intérêts, ses goûts, ses représentations sur la culture suscite l’envie de les partager voire celle de les dépasser.

10) Il s’agit d’inventer sa propre méthodologie en fonction des spécificités du public, de la mission et de la configuration de la structure. La médiation culturelle demande une adaptation permanente, non dogmatique, en s’affranchissant de tout réflexe scolaire. Livres d’or, jeu de rôles, ateliers critique, rencontres avec des artistes, ateliers pratiques sont autant d’outils complémentaires à l’action de médiation.

11) Sans doute faudrait-il éviter de croire que « l’explication réduit le plaisir ». C’est la médiation réduite à une dimension explicative qui est à proscrire. Elle est là pour mettre en jeu, questionner tout ce que la tradition, la dimension patrimoniale d’un lieu et d’une œuvre peuvent figer pour le spectateur.

 



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