Présentation
Le huitième Quatuor op 59 n°2 de Beethoven est composé en 1806. Il fait partie d'un cycle de trois quatuors appelés « Razoumovsky », en hommage au commanditaire et dédicataire de l’œuvre, le comte Razoumovsky, ambassadeur de Russie à Vienne. C'est un cycle des plus novateurs qui rencontra à sa création l'incompréhension du public viennois mais également de ses interprètes. Le premier mouvement du Quatuor op 59 n°2 déconcerte encore aujourd'hui tant l'éclatement thématique et l'angoisse contenue viennent frapper l'auditeur. Le sublime second mouvement est une céleste méditation que Beethoven aurait composée en regardant les étoiles. S'ensuit un allegretto hanté puis un trio lumineux et jovial qui s'inspire d'un thème russe, clin d'œil de Beethoven à son mécène. Le presto final est une cavalcade effrénée où l'auditeur peine à reprendre son souffle. Le compositeur y clôt son quatuor par une coda sans concession.
Si chez Beethoven, l'opus 59 est révélateur de la nouvelle maturité du compositeur, Ravel en revanche compose son Quatuor à vingt-sept ans, entre 1903 et 1904, alors qu'il est encore étudiant au conservatoire. Son maître de composition - à qui le quatuor est dédié - est alors Gabriel Fauré mais Ravel s'en émancipe en lui préférant un autre aîné, Claude Debussy. Le Quatuor de Debussy, composé dix ans auparavant, marquait un renouveau exceptionnel dans le quatuor français. Ravel emprunte à Debussy et à Franck l'idée d'un thème cyclique se répercutant dans tout le quatuor, apparaissant dans différents aspects tout au long des quatre mouvements. Le premier mouvement Allegro moderato est empreint de fraîcheur et de mystère. L’entêtant deuxième mouvement emprunte à la fois à la danse espagnole et au scherzo debussyste. Le Très Lent qui suit est d'une grande liberté et peut-être le mouvement le plus original de l’œuvre. Le final Vif et agité frappe par son énergie débordante. Il rencontrera les réticences de Fauré à qui l’œuvre est présentée. Mais c'est finalement Debussy, impressionné par le talent de Ravel, qui l'adjurera de ne toucher à aucune note. Il est vrai que Ravel, pour sa première œuvre de musique de chambre, avait fait preuve d'un brio exceptionnel.